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Augmenter l'attrait touristique de la ville grâce au végétal

L'événementiel est « un bon moyen de capter le public », selon Jacques Soignon, directeur du service des espaces verts de la ville de Nantes (44). Avec les créations de Claude Ponti (ici, le Dormanron), le jardin des plantes a accueilli 512 000 visiteurs cet été.PHOTO : PASCAL FAYOLLE

La nature en ville offre de multiples avantages, qui concourent à augmenter l'attrait touristique. Une journée organisée par Plante & Cité le 6 septembre dernier, à Angers (49), a développé cet intérêt et proposé des stratégies transversa les associant acteurs du paysage et du tourisme.

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Faut-il rappeler une énième fois les bienfaits du végétal en ville ? Non. Ceux qui ont des doutes se tourneront vers l'Unep-Les entreprises du paysage ou l'interprofession Val'hor dont les multiples enquêtes, études et synthèses permettent de considérer les atouts de la nature pour les collectivités comme un fait acquis. Ce qui manque toutefois, ce sont des chiffres, des données en euros pour finir de convaincre ces dernières d'investir dans le vert. En attendant de futurs rapports sur le sujet, un nouvel argument peut être avancé : le rôle positif de la nature dans l'attractivité touristique d'un territoire et sa contribution aux expériences de séjour urbain. Pour l'optimiser, des synergies se mettent en place entre les différents acteurs (paysage, tourisme, culture...).

Un véritable atout dans la manche

L'ouvrage Valoriser la nature en ville - Vecteur de bien-être et d'innovation touristique (collection Rendez-vous en ville), publié en 2014 par Atout France en partenariat avec Val'hor et Nantes Métropole (44), analyse la capacité de la nature à renforcer l'attractivité touristique des villes, en croisant les regards d'experts du paysage, de responsables des espaces verts et de professionnels du tourisme. Atout France a pour mission de contribuer au développement du tourisme français, et entretient dans ce but un dispositif de veille et d'analyse du marché touristique international. L'agence positionne clairement la nature comme un élément clé des stratégies touristiques des destinations, amené à prendre une importance croissante dans des villes de plus en plus peuplées et denses.

Après deux parties consacrées à l'organisation de la filière horticole et paysagère, ainsi qu'aux bienfaits du végétal (environnementaux, bien-être, santé, embellissement, récréation, développement touristique...), une troisième partie s'intéresse aux pratiques et attentes des clientèles en matière de nature en ville. La quatrième partie propose des pistes stratégiques pour aménager et valoriser l'offre de nature en ville pour les clientèles touristiques, sur la base de cas concrets.

Les représentations de la nature par les touristes

Les enquêtes menées par Atout France auprès de focus groupes et TripAdvisor ont permis de tirer quelques enseignements sur le rôle de la nature dans l'expérience séjour urbain des touristes et les stratégies possibles. Si les longs séjours sont plutôt synonymes de repos, de ressourcement et donc de rupture avec la ville, les courts séjours associent découverte culturelle et proximité urbaine. Or la nature est indissociable de la représentation de la cité par les touristes français qui y recherchent un paysage entretenu, domestiqué - ce que le paysagiste Michel Péna appelle la « troisième nature », composée pour répondre aux exigences des hommes - et où l'eau tient une place importante. Peu de touristes viennent en ville dans l'objectif explicite d'y visiter ses espaces verts. Ces derniers n'ont donc pas un rôle de déclencheur. En revanche, ils participent à l'attractivité globale. À l'occasion de city-break, ces sites font souvent partie des visites incontournables, quand ils font partie du patrimoine culturel ou qu'il s'agit de jardins exceptionnels : Jardin des plantes à Paris (75), parc de la Tête d'or à Lyon (69), parc du Thabor à Rennes (35), Vondelpark à Amsterdam (Pays-Bas), Central Park à New York (États-Unis), parc du Retiro à Madrid (Espagne).... « Nous remarquons aussi un engouement pour les friches reconverties (High Line à New York...), perçues comme des symboles de modernité », ajoute Cécile Leonhardt, responsable projets ingénierie chez Atout France. La nature peut ainsi être porteuse d'innovation touristique ! Elle impacte positivement la qualité de séjour : les espaces verts permettent, aux dires des touristes ayant répondu aux enquêtes, de s'imprégner de l'ambiance, de découvrir le mode de vie local, et de se détendre. « Elle compense nos "hyper intérieurs" », argumente Michel Péna. Les familles sont particulièrement sensibles à la présence de nature en ville, elles y pratiquent trois fois plus d'activités que les autres segments de clientèles en court séjour urbain.

La nature comme outil stratégique

Valoriser la nature peut servir différents objectifs. Une première stratégie peut être de diversifier l'offre touristique, de la dynamiser. Cela suppose d'avoir la capacité d'aménager les sites en conséquence (toilettes publiques, bancs, signalétiques, restauration...), de les animer (expositions, spectacles...), et de créer les outils de médiation pour mieux les découvrir. Une autre orientation sera d'offrir une expérience de ville positive en y multipliant les espaces de convivialité : aires de pique-nique, de jeux... Valoriser la verdure peut aussi permettre de capter de nouvelles cibles, comme les touristes « repeaters » (= déjà venus) de courte et moyenne proximité. Enfin, une ville pourra choisir de renforcer son identité à travers ses espaces verts, comme Angers d'ailleurs plébiscitée « Ville verte » d'après un palmarès de l'Unep publié en 2014. « Ces différentes stratégies impliquent des contraintes », souligne Cécile Leonhardt. « Elles doivent s'appuyer sur une véritable ambition politique. Elles nécessitent de se doter d'indicateurs afin de suivre l'évolution touristique. Un décloisonnement entre les différents acteurs - paysage, tourisme, culture... - est essentiel. »

Des synergies à mettre en oeuvre

« L'offre de nature, associée à la culture et à la créativité, occupe une place considérable dans l'attractivité de Nantes », affirme Aurélie Peneau, directrice du développement touristique. L'agglomération a su convertir ses friches industrielles (anciens chantiers navals) en grands sites paysagés. « Les espaces verts constituent des acteurs culturels à part entière. » Ce sont également des lieux de convivialité : stations gourmandes, barbecue en bordure de Loire, cantine du voyage approvisionnée par un potager en coeur de cité... « La ville n'est pas un musée ! » Les habitants doivent pouvoir l'investir comme ils investissent leur jardin. Pour Jacques Soignon, directeur du service des espaces verts nantais, le travail collectif espaces verts-tourisme a permis de multiplier les initiatives, notamment dans l'événementiel, « un bon moyen de capter le public ». Avec son « Mange-poussin » (imaginé par l'auteur Claude Ponti), le jardin des plantes nantais a accueilli 512 000 visiteurs cet été (+ 8 %), comptabilisés grâce à des éco-compteurs. « Nous suivons aussi de près les sites tels que TripAdvisor. » Autres exemples d'actions : chaque année porte un nouveau thème (« 100 musiques pour 100 jardins » en 2016), la « Folie des plantes (42 000 visiteurs en deux jours). En 2012, un poste de chargé de tourisme a été créé au sein du service des espaces verts nantais, servant d'interface avec les offices de tourisme, le service communication et les partenaires. Il encadre une équipe de six personnes responsables de l'entretien (sanitaires...), des boutiques, du programme d'animation, des visites commentées... « Tous les acteurs touristiques ont été formés à l'offre 'parcs et jardins' et les agents des espaces verts à l'offre touristique », précise Aurélie Peneau. Après vingt ans de rénovation, la cité a su se doter d'une image de ville branchée, moderne et où il fait bon vivre. En parallèle, elle est devenue une destination familiale, avec une augmentation de la durée des séjours (une semaine), et un tourisme urbain et rayonnant aussi dans la nature environnante (vignobles...).

« Ce n'est pas forcément dans notre nature, à nous jardiniers, de mettre en avant notre travail », relève Sébastien Marqueton, directeur adjoint des parcs et jardins de Metz (57). « Nous faisions des espaces verts pour les habitants. Avec nos partenaires du réseau Jardins sans limites, nous avons appris à créer aussi pour les touristes. » Ce qui implique différents aménagements : toilettes (propres, tant qu'à faire), panneaux en différentes langues, buvette... Comme à Nantes, les guides de l'office de tourisme ont été formés aux différentes facettes des jardins. Exemple d'association nature et culture, l'animation « L'art dans les jardins » proposait sa septième édition en 2016.

Du végétal oui... mais connecté

« Plus nous irons vers le numérique, et plus les gens auront besoin d'espaces zen, ancrés dans la nature », insiste Denis Griffon. Le directeur du parc à thème angevin Terra Botanica, également directeur du Comité départemental de tourisme (CDT) de Maine-et-Loire, a pourtant conscience qu'il ne faut pas créer de fracture entre digital et végétal, ce dernier devant « marcher avec son temps » : une telle fracture serait un « vrai risque touristique et économique ». Le parc travaille donc sur le sujet en partenariat avec l'institut technique Astredhor : quelles applications, quelles animations de réseaux sociaux... Une autre collaboration, avec l'Éducation nationale et l'association Terre des sciences (*), lui permet de suivre un de ses axes de développement : la transmission des savoirs liés aux plantes.

QR-codes renvoyant vers le descriptif d'une plante ou l'historique d'un parc, Greenpods 2.0 égayant les rues, applications permettant de reconnaître les plantes, réseaux sociaux de passionnés jardiniers... : le végétal a tout à gagner du numérique, pour capter les touristes connectés.

Valérie Vidril

(*) Terre des sciences développe des actions de culture scientifique, technique et industrielle dans les Pays de la Loire, auprès de tous les publics.

Le végétal peut servir de cadre à la culture (expositions, spectacles, land art...).

PHOTO : PASCAL FAYOLLE

Le concours « Jardins d'expression » anime tout l'été le Parc de Pignerolle, à Saint-Barthélemy-d'Anjou (49), un des cinq grands parcs communautaires d'Angers Loire Métropole.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Peu de touristes viennent en ville pour y pratiquer des loisirs de nature, mais cette dernière permet de mieux « vivre la ville » : flâner, se restaurer, faire du vélo, assister à un spectacle...

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Arts, sciences, loisirs..., tout reste à inventer pour que l'offre nature devienne incontournable.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Le parc à thème Terra Botanica (225 000 visiteurs en 2016) renforce l'image de pôle végétal affichée par Angers (49)Loire Métropole. Denis Griffon, son directeur, souhaite favoriser les synergies entre le parc et le Comité départemental de tourisme.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

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